Avachi sur son siège, Malandrin contemplait par le hublot les cieux de coton qui s'étendaient sous lui. Il appréciait énormément le voyage, mais s'énervait en revanche d'être envoyé aussi loin de chez lui, tandis qu'une affaire criminelle de la plus haute importance l'attendait à Auch (et pour cause, il s'agissait de retrouver celui qui avait failli le tuer, à peine une semaine plus tôt).

Il oublia autant qu'il pouvait l'enquête qui le tourmentait tant pour apprécier le voyage en avion. Voler au-dessus des nuages était délicieusement agréable. Un whisky plus tard, il somnolait un peu, tant qu'il dut se forcer à se remettre dans le bain de cette nouvelle mission. Il espérait qu'elle ne durerait pas longtemps ; l'effervescence de Pékin était trop grande pour lui, il lui fallait du calme.

Descendant de l'avion, remercié d'avoir choisi cette compagnie de vol par de jolies hôtesses, il fut accosté par un vieil homme, soixante-dix ans au moins, un peu tassé sous ses vêtements de touriste ordinaire.

"Bonjour, inspecteur, fit le vieillard, avançant vers lui.
- Qui êtes-vous ? demanda instinctivement Malandrin, décontenancé.
- Eh bien... Disons que je suis un collaborateur à vous qui tient à rester discret. Pourtant nos routes se sont déjà croisés, et je crois avoir rendu de fiers services à votre commissariat.
- Et... qu'avez-vous pour moi, alors ? fit-il sans aucune confiance.
- J'ai entendu parler de votre enquête. Les Sages sont en prison, à s'occuper comme ils peuvent, arrosant leurs vieilles plantes et nettoyant leurs jeunes racines, mais ce sont les raisins de la colère qu'ils font en réalité pousser depuis leurs cellules. Les vieux et les jeunes débattent de leurs plans vengeurs depuis la cantine de leur prison, et paraîtrait-il que ce sont les vieux qui crient les plus forts ! Face aux jeunes têtes brûlées, énervées comme il est normal de l'être à leurs âges, les croulants comme moi, ridés et timides, se doivent néanmoins d'élever la voix pour se faire entendre. Et le pire, c'est qu'ils le font pour les autres, pour les aider comme si c'étaient leurs propres fils, alors que ce ne sont que de jeunes loups convoitant les plus hautes places. Je n'y comprendrai jamais rien."

Le vieillard fouilla dans une de ses poches.

"Tenez, j'ai écrit un petit texte là-dessus, j'espère que vous aimerez. Ca ne vous prendra pas longtemps à déchiffrer, ça se lit en moins deux deux, comme on dit."

Il sortit un papier de sa poche et le tendit à Malandrin, qui comprit avec facilité l'inscription manuscrite :

Sages botanistes, tapage gériatrique : cuisant isthme intellectuel, espoir (d') iguane névrosé. Altruisme : immuable énigme !..

"Joli texte, fit-il platement. Et... Sinon, vous devez m'aider, non ?
- Je vous aide déjà, jeune homme."

Malandrin se sentait mené en bateau, inondé d'informations sans aucune importance, ce qui attisa une coprolalie qu'il serait déplacé de retranscrire exactement ici. Tout ce qu'il en est dicible, est que le pauvre petit vieux fut, entre autres, comparé successivement à un sexe féminin et à la partie visible d'un organe excréteur. Le vieillard battit en retraite, poussant un faile "ça m'apprendra à vouloir aider, tiens".

Ce n'est que plus tard, tandis qu'il supportait tant bien que mal l'agitation urbaine, en relisant le court poème en prose "en deux-deux", qu'il comprit. "M***e", fit-il tout haut, "p****n de b****l de ch****e". Sa coprolalie susmentionnée se réveillait souvent, surtout quand il venait tout juste de mordre la main qui le nourrissait.

"Merdre, merdre, merdre", répétait-il sur un ton ubuesque (forcément, on n'a pas le choix pour un tel mot) en tapant à la hâte sur le clavier de son téléphone portable l'avertissement que le vieil indic lui avait transmis.

Au commissariat, Gadjo et Papiéchau reçurent le message instantanément, mais Papiéchau s'énerva quelques minutes contre son portable, dont il comprenait encore mal le fonctionnement. "Papi est très chaud", s'amusait Gadjo en voyant le pauvre inspecteur, rouge de colère devant un bijou technologique sur lequel il crachait son lot de noms d'oiseaux.

Dans un des bureaux, on entendit Nopin pester contre son critérium, encore vide.
"Il faudrait une paire de mines pour satisfaire Nopin", fit Gadjo à Betty, qui rougit aussi sec.





Spoiler : Format de la réponse
_ _ _ _ _ _ _ _   _ _ _ _ _ _ _ .   _ _ _ _ _   _ .   _ _ _ _ _