« - Victor …  Victor! 
   VICTOR, tu descends, s’il te plait?"

Victor soupira…
Il éteignit à regret sa Nintendo DS. 
Tant pis, il s’occuperait de  Super Mario plus tard, là, c’était Mother qu’il fallait aider…
Aujourd’hui, cette dernière  avait eu  une idée saugrenue : elle allait  « attaquer »  la cave !
Elle avait entrepris  de trier, de jeter, de ranger, de nettoyer tout ce bric à brac , c’était l’occupation du jour !
Faut dire que le temps était maussade, froid et pluvieux, et qu’il n’était pas envisageable d’aller se balader ce dimanche …
Et puis, papa était absent, il travaillait ce jour là.
En descendant l’escalier, le jeune garçon ne put s’empêcher de sourire en voyant l’accoutrement de sa mère.
Vêtue d’une  salopette de peintre, une casquette juchée sur la tête, les cheveux en  chignon à l’intérieur, des gants roses de ménage lui arrivant aux coudes, elle était trop mignonne et attendrissante!

-M’man, je suis là ! Je t’aide ?
-Oui, mon grand ! Voilà, j’ai trouvé ce carton. Ce sont les affaires de Paul, ta grand mère les avait gardées. Regarde s’il y a des choses qui t’intéressent et jette le reste.
-D’accord, m’man !
-Merci, mon grand, à plus tard…

Et pouf! Elle disparut à nouveau dans la cave…
Victor haussa les épaules, prit le carton et monta dans sa chambre.

Paul…
Paul  avait trois ans de plus que Victor. Il  venait d’un milieu défavorisé et, aidé par  une  association, partait en vacances dans une famille d’accueil. 
C’est comme ça qu’il avait atterri chez Grand-mère, à l’âge de sept  ans, et qu’il revenait chaque année.
Elle était toujours ravie de le recevoir,  l’aimait énormément  et avait été bouleversée lorsqu’elle avait appris son décès dans un stupide accident de vélo il y a deux  ans.
Il n’avait que douze ans !
Victor ne l’avait jamais rencontré, mais Grand-mère lui en parlait souvent, elle trouvait qu’ils avaient beaucoup de points communs.
Puis Grand-mère était morte elle aussi, il y a quatorze mois …
Ca avait été difficile.
Maintenant, depuis peu, ils habitaient dans sa maison, et ils étaient heureux.
Victor avait l’impression que sa grand-mère était encore là et veillait sur eux avec bienveillance.


-« Bon, ce carton, qu’est ce qu’il contient ? » se demanda  Victor  en s’installant près de son lit.
Il enleva  la poussière d’un revers de manche, tira  sur la bande adhésive où Grand-mère avait inscrit « Paul » d’une écriture un peu tremblante, ouvrit les deux volets et sortit un à un tous les objets.
Il y avait là une balle de tennis, une casquette en jean, un gros sac de billes, un sifflet, une boussole, la  BD «  Tintin au Congo », et  deux livres « le Petit Prince » de Saint Exupéry, et «Tistou  les pouces verts » de Maurice Druon.
Victor se sentit un peu déçu : il pensait trouver davantage de choses, mais tout ce qu’il y avait là lui convenait parfaitement ! Lui aussi était tintinophile, et avait beaucoup aimé  lire « le Petit Prince «  et «  Tistou » !
En feuilletant la BD, il découvrit une feuille placée au milieu du livre.
C’était une page de cahier où était dessinée une série de drapeaux de divers pays.




Et au dessous, une série de lettres incompréhensibles, suivie du mot « Hergé »

BDC HTRGTI THI RPRWT XRX              Hergé

Intrigué, il  se saisit de la feuille et alla jusqu’à son bureau.
Qu’est ce que c’est que ce truc ?
Les drapeaux, il les connaissait pour la plupart…
Mais ces lettres… une langue étrangère ? Un message codé ?   et  Hergé… Hergé…
Bien sûr, Victor connaissait  le créateur de Tintin, Georges Rémi de son vrai nom, qui  avait inversé ses  initiales pour son nom d’auteur.
Il revint vers le carton, prit tous les objets , les examina attentivement, inspecta également les deux livres mais  ceux là ne contenaient ni feuille, ni inscription.
Il décida de tout garder, rangea les livres dans sa petite bibliothèque et fourra le reste dans un tiroir du bureau.
Puis, il descendit au rez- de- chaussée avec le carton pour le  jeter dans la poubelle jaune.
En ouvrant la porte d’entrée, il entendit sa mère qui disait à son père au téléphone:
-« Oui, chéri ! Je m’en sors ; mais il y a plein de grosses choses à débarrasser : un vieux lit, une moto rouillée, un frigo cassé…
Les encombrants passent demain, lundi, à 15heures pour tout prendre…
Mardi, j’aurais une cave impeccable !»

Victor remonta dans sa chambre.
Cette feuille aux drapeaux le turlupinait.
Hergé… 
Soudain, il pensa à quelque chose : «  Et si c’était comme un code scout ? »
  Spoiler : [Afficher le message] Son pote Mathias  qui était scout s’amusait parfois à lui écrire en langage codé, il avait ainsi découvert le code « avocat », A=K

Il essaya de voir si son idée collait :
il gribouilla l’alphabet  sur deux feuilles, les joignit en les décalant, griffonna  d’autres lettres  et son visage s’illumina!
Cinq mots compréhensibles étaient apparus … mais …

« Triple zut ! Crotte de mammouth en boîte !! C’est du français, mais ça ne veut rien dire, c’est incomplet ! Où est-il le secret ?
C’est peut être le nom des drapeaux, doit y avoir un code… »
Il écrivit les noms des pays correspondant aux drapeaux, mais ne comprit pas la logique de cette suite…
Il fut tiré de ses recherches par la voix de sa mère qui l’appelait déjà pour le repas du soir.
Dépité, il prit la feuille, la regarda encore en se dirigeant vers la porte, puis, agacé, la déposa sur le rebord du radiateur avant de descendre en courant dans la cuisine.


Le lendemain matin:

DDDRRRRRRRRIIIIIIIIIIIIIIIIIIIINNNNNNNNNNNNNGG!
Arg !!  Ce réveil, quelle horreur!
Victor l’éteignit d’un coup de poing bien placé et décida de rester encore un peu au lit…
Sa mère le tira de ses rêves une demi heure plus tard :
-"Victor, tu es ENCORE au lit !
Vite, mon grand, habille toi en vitesse et  viens prendre le petit déj’ !
T’es à la bourre, tu vas rater le bus pour l’école!"

-« Merdouillette ! Je me suis rendormi ! »
Le jeune garçon sauta dans son caleçon, enfila son jean, une chaussette de la veille et chercha désespérément l’autre…Il la découvrit enfin, pendouillant sur le radiateur…
Quand il s’en saisit, la feuille aux drapeaux tomba sur le sol . Il enfila la chaussette manquante, finit de s’habiller , prit son cartable , vit la feuille, la  ramassa…
Il s’apprêtait à la mettre sur le  bureau lorsqu’il écarquilla les yeux de surprise et s’arrêta net !
Interloqué, bouche bée, il resta immobile un moment, puis dit doucement : « Ben ça alors ! »
« Qu’est ce que c’est que ce truc ! »
Des symboles sous les drapeaux étaient apparus pendant la nuit !
-« C’est un papier envoûté… Crotte de mammouth, Paul était un sorcier ! »
Victor était tout désorienté…Il examina la feuille plus attentivement et passa le doigt sur les symboles, des sortes de cases avec des ronds noirs et blancs…
Et là, il comprit ! Il soupira d’aise… Et sourit jusqu’aux oreilles !
"-D’accord, la feuille est toute chaude…   Quel malin, ce Paul !
Non, ce n’est pas de la magie noire !
Il a écrit ça avec de l’encre invisible, certainement du jus de citron, et les caractères ne deviennent visibles qu’à la chaleur d’un fer à repasser,  ou… d’un radiateur !"
« Waouh ! Génial ! Bravo, Paul ! »
Là, il n’avait pas le temps d’examiner les symboles…
Il mit la feuille dans son cartable, descendit quatre à quatre l’escalier, avala son bol de lait, mordit dans  sa grosse tartine de  Nutella, et  l’emporta. Il  embrassa sa mère au passage et partit en courant jusqu’à l’arrêt de bus. Il arriva à temps pour grimper dans le car , et s’assit tout au fond, où il n’y avait personne .
Sa tartine finie, il ouvrit son cartable et examina la feuille mystérieuse avec attention…
"Peut être que je peux trouver le secret maintenant…"
Il se pencha sur la série de cases remplies de ronds noirs et blancs…



Il réfléchit, observa les drapeaux, les symboles dans les cases, leur agencement…
Au bout d’un quart d’heure, il comprit enfin !
« YESSS !  J’ai trouvé ! » cria -t -il à voix haute.
Quelques têtes se tournèrent vers lui….
« Pardon », leur dit il avec un petit sourire contrit…
Il se pencha à nouveau vers sa feuille , et, tout excité, griffonna rapidement au crayon le message décrypté…

« AH NON ! » s’écria - t - il alors…
Cette fois, tous les passagers tournèrent la tête  vers lui…
Il  leur sourit bêtement, et leva la main pour montrer qu’il était désolé de les avoir dérangés…

Puis, à nouveau, il redevint sérieux.
Il se souvenait parfaitement des paroles de sa mère hier, au téléphone :
« Les encombrants passeront lundi à 15heures… »
Il lui fallait à tout prix trouver une excuse et un moyen pour retourner chez lui avant qu’il ne soit trop tard…
Les sourcils froncés, extrêmement  concentré, il  se mit à réfléchir à toute allure…
                                                                                                                     
                                                                   A suivre…