"Arrêtez de fouiner partout! Ceci est notre PREMIER et DERNIER avertissement avant qu'il vous arrive malheur!" Dans les règles, avec les mots en capitales, les évocations douteuses... Tout juste les points d'exclamation qui trahissent l'inquiétude, le doute et la fébrilité. Le mec qui a écrit ça tremblait sans doute comme une feuille.

Je n'en ai rien à faire, de cette menace. Ils font tous ça, après tout. Ils espèrent qu'ainsi on les laissera tranquille, qu'on aura peur. Hop, un petit mot pas gentil sous un essuie-glace, le keuf se fait dessus, et je garde le fric. Facile. Mais je continuerai mon enquête sans protection, quoi qu'il arrive. Il y a une différence entre verser une fiole de poison dans le verre d'un vieillard (aussi prestigieux soit-il) et abattre un flic en service. Si Vittorio a été tué pour une histoire de fric (et je parierais mon uniforme que c'est le cas), alors son assassin est un petit froussard égocentrique comme on en croise dans tout Paris. Pas le genre de mec à tuer un flic par balles, en somme. Que m'a dit Nopin ? Quand j'accepte un verre qu'on me sert, je prends une ou deux aspirines. C'est noté, partner. Et encore... Pas persuadé que ce soit indispensable.

Les tueurs de la vraie vie, dans les vraies villes, ce ne sont pas ces brutes violentes et décérébrées qu'on voit dans les films, prêtes à abattre des camions entiers de policiers pour garder une sacoche en cuir bourrée de billets de 500. Généralement, ce sont des lâches qui pètent un câble, ou qui tuent "à contrecoeur" pour se faire du fric et partir loin, qui deviennent ensuite tellement traumatisés par leur acte qu'ils n'osent même plus claquer une mouche. Par réflexe, j'ai envoyé deux hommes surveiller le cabinet du notaire, et trois autres à son domicile ; s'il y a bien deux personnes qui ont voulu falsifier le testament (ce qui semble plus que probable), alors les deux vont lui en vouloir. Je ne les pense pas si téméraires, mais on ne sait jamais. Légalement, je suis obligé, de toute façon. Pas de protection pour moi, par contre. Pas la peine.

En revanche, je serai averti si l'un des héritiers achète un billet d'avion (à plus forte raison si c'est un aller simple).



Deuxième journée d'enquête ; me voilà chez Camille, "l'héritière unique" désignée par un des faux codes. Contrairement à Louis qui semblait aller à peu près bien, Camille est véritablement éplorée. Malheureusement, il m'est impossible de la laisser tranquille, enquête oblige. Pas de questions pour elle non plus ; ce n'est pas mon genre. Il me faut des preuves. La tête ailleurs, elle m'autorise à fouiller où bon me semble, puis s'excuse discrètement et s'enferme dans la salle de bains. Je ne pourrai donc pas fouiller partout.

Dans la corbeille à papiers qui orne son bureau, une lettre soigneusement découpée en huit.



Pourquoi aurait-elle déchiré une lettre comme celle-ci ? Peut-être, tout simplement, en prévision d'une visite de Louis ou de Caroline. Si elle avait voulu tuer Vittorio pour récupérer son héritage, elle aurait sans doute vidé sa corbeille au-cas-où. Je fouille dans ses mails, et j'en trouve un qu'elle a envoyé à son père deux jours avant sa mort :

13306312010040732151
103031851017213711450112038012103021162018016

Spoiler : Indice 1
35532112533=ESSEULEES.


Spoiler : Indice 2
713705=SOLEIL.


Je remercie à haute voix Camille, qui sort de la salle de bains avec les yeux rouges et gonflés. Elle me raccompagne jusqu'à la porte, me regarde m'engager dans l'escalier, referme la porte à clé derrière moi.



Nopin me rappelle ; la lettre envoyée à Louis, lui rappelant que personne ne sera privilégié par l'héritage, est bel et bien de la main de Vittorio Chiame-Sepre. Nouvelle plus étonnante : il a versé précautionneusement 50 000 euros sur le compte de sa petite Camille chérie, une semaine avant son "départ". Voilà qui ne lui ressemble pas. Il y a des jours où on regrette de ne pas pouvoir interroger les morts ; les comptes en banque ne sont jamais aussi bavards qu'on le souhaiterait.